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mercredi 8 août 2007

Bonds, évidemment

En voyant Bonds frapper son 756e circuit hier soir, ma première pensée a été : "finalement!". Le dernier droit de sa quête au record a été pénible, la couverture médiatique étouffante.

Avant de continuer, je veux dire que je trouve l'exploit de Bonds remarquable. Toutefois, même si ça n'a probablement pas l'air de ça avec tous les chiffres que je sors sur ce blogue, je prends les records plutôt à la légère.

Pour moi, un record est une combinaison de performances individuelles hors de l'ordinaire et du contexte dans lesquelles ces performances ont été obtenues. On sait que les 511 victoires de Cy Young sont le résultat d'un talent incroyable, mais aussi de l'aspect unique du baseball entre 1890 et 1910. On sait que quand Chief Wilson a frappé 36 triples en 1912, son environnement a favorisé ce résultat.

C'est la même chose pour Bonds. Toutes les raisons ont été données pour discréditer ses circuits, de l'expansion aux balles plus dures, en passant par les avancées médicales, les bâtons d'érable et les stades plus petits. Bien sûr que Bonds a eu besoin d'un coup de main de son époque, pratiquement tous les recordmen en ont besoin. Même comme Cy Young et Chief Wilson avant lui, il a été meilleur que tous ses pairs qui évoluaient dans le même environnement que lui.

Bon, ça nous amène justement à se questionner si ses pairs évoluaient vraiment dans le même environnement que lui, avec les inévitables soupçons de dopage. J'ai longtemps joué la carte "innocent jusqu'à preuve du contraire" avec Bonds, mais je crois qu'il faut se rendre à l'évidence que les preuves circonstancielles sont fortes.

La question qui demeure alors est de déterminer s'il n'est que le produit de son époque, ou un des seuls à s'être dopé. Depuis le début des tests de dépistage, Bonds n'a pas été pris, une seule vedette l'a été et bon nombre de lanceur l'ont été. Probablement encore trop tôt pour être en mesure de mesurer l'impact net de tout ça.

Il va falloir aussi que la société au complet se questionne sur le dopage, dans le sport et ailleurs. La Presse mentionnait cette semaine l'utilisation courante de médicaments et drogues dans les milieux des orchestres symphoniques, de la danse et du ballet, notamment pour combattre le stress et atténuer des douleurs. Au baseball, tout le monde semblait vouloir plus de circuits, mais soudainement on se réveille et on se questionne sur les moyens qu'ont pris les joueurs pour fournir ces performances. Au baseball comme dans bien d'autres champs, on devra tracer la ligne entre le désir d'être ébloui par des performances incroyables et celui de voir des performances naturelles, qui ne sont pas entâchées par des aides extérieures.

Pour en revenir à Bonds, son rythme de circuits a diminué depuis le début des tests en 2005. Il en a 53 en 242 matchs, mais il a aussi passé la barre des 40 ans durant cette période, en plus de rater pratiquement toute une saison avec des blessures.

D'ailleurs, sur ce point, il faut féliciter le courage de Bonds, qui aurait bien pu s'éclipser en douceur du baseball après cette saison 2005 sans s'attaquer aux légendes du baseball que sont Ruth et Aaron.

En tout et partout, c'est à chacun de choisir son roi des circuits. Nous savons tous que Cy Young n'est pas le meilleur lanceur de tous les temps même s'il a de loin le plus de victoires. On peut faire la même chose avec les circuits.

Les comparaisons intertemporelles sont habituellement assez boiteuses, mais pour s'amuser, regardons ce que Baseball Prospectus obtient comme "traductions" des stats de Ruth, Aaron et Bonds, s'ils avaient évolué dans un environnement offensif comme celui du début des années 2000.

Ruth : 1071 circuits
Aaron : 971 circuits
Bonds : 930 circuits

Évidemment, ce n'est qu'une application d'une formule mathématique pour ajuster pour les saisons plus longues et le niveau offensif. Ça ne tient pas compte du fait que Ruth n'affrontait pas de joueurs noirs et ne voyageaient pas dans l'Ouest, qu'Aaron a bénéficié de périodes d'expansion et Bonds des percées médicales.

Mais, dans l'ensemble, pourquoi choisir? Je ne tout à fait capable de vivre en appréciant les exploits de ces trois grands joueurs sans me sentir obligé d'en choisir un comme le roi.

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