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mercredi 18 juillet 2007

Critique de livre : The Baseball Economist

Je ne pouvais pas passer de vacances en décrochant complètement du baseball. J'en ai profité pour lire le bouquin The Baseball Economist de J.C. Bradbury.

C'est un livre doublement intriguant pour moi, économiste étant ma profession. Le livre est aussi très ambitieux, tentant de donner ses lettres de noblesse à une mini-discipline qui émerge, la sabernomique. Si la sabermétrie étudiait les statistiques de baseball avec les outils des statisticiens et mathématiciens, la sabernomique regarde les problèmes du baseball avec l'attirail des économistes.

Malheureusement, le bouquin a quelques lacunes importantes. Premièrement, on dirait que l'auteur ne sait pas pour qui écrire. Je m'attendais à ce qu'il explique les concepts d'économie de façon très simple, et c'est normal, car le livre doit être destiné aux néophytes de la science économique. Mais, le livre explique aussi en long et en large des concepts de baseball très simples, comme si le livre était destiné à un public général qui ne connaît ni le baseball ni l'économie!

Le livre commence d'assez belle façon en introduisant au lecteur des concepts simples mais importants d'économie, comme le coût d'opportunité et la théorie des jeux. Ça lui permet de parler de sujets divers comme l'effet du frappeur désigné sur le nombre de frappeurs atteints d'un tir, la construction des alignements de frappeurs, la rareté des receveurs gauchers, la valeur de Leo Mazzone et les stéroïdes. Il traite aussi bien sûr de ce qui se passe à l'extérieur du terrain, notamment la balance compétitive de la ligue et le statut de monopole de MLB.

Là où ça se gâte sérieusement, c'est lorsque Bradbury décide de mettre une valeur monétaire sur chaque joueur. L'idée de base, qui vient d'un article des années 70, est d'essayer d'estimer si les joueurs sont sous-payés ou sur-payés par rapport à ce qu'ils rajoutent dans les coffres de leurs patrons. La procédure est en trois étapes : 1) Établir combien une victoire supplémentaire ajoute en revenus 2) Établir la contribution d'un joueur aux succès de son équipe 3) Convertir cette contribution en $ avec les résultats de l'étape 1).

Bradbury prétend que la théorie économique affirme que chaque joueur autonome sera payé jusqu'à sa valeur marginale. Ce n'est pas faux, mais son modèle a de sérieuses lacunes :
  1. Pas de défensive. Les contributions des joueurs sont uniquement celles faites comme frappeur ou comme lanceur.
  2. Pas de positions! Bien pire, il considère que les joueurs de baseball constituent un marché unique, sans regard pour la position. Ça implique donc que si une équipe veut "acheter" des victoires supplémentaires, elle peut y aller sans distinction avec un receveur ou un champ gauche, un partant ou un releveur! En réalité, les équipes ont déjà des joueurs en place et ils ont des besoins beaucoup plus précis : champ centre type premier frappeur, partant #2, releveur gaucher, etc.
  3. La valeur marginale d'un joueur dépend du contexte. Bradbury calcule la valeur marginale moyenne. En réalité, une victoire supplémentaire vaut probablement plus à Boston qu'à Kansas City, mais surtout elle vaut plus si c'est la victoire #93 plutôt que la victoire #71. C'est exactement ce qui fait que les équipes dans la course sont prêtes à payer beaucoup plus pour la pièce manquante du puzzle, que ce soit en argent ou en joueurs si elle est acquise via échange.

Finalement, tout ça fait en sorte que le joli système de Bradbury, qui occupe une très grande place du livre (un chapitre plus 70 pages d'annexe avec les valeurs de tous les joueurs pour 2005 et 2006), ne vaut pas le papier sur lequel il est imprimé. Si on veut répondre à la question originale de la part des revenus versés aux joueurs, c'est une approximation très grossière. Si on veut classer les joueurs, il vaut 100 fois mieux utiliser les métriques développés par les sabermétriciens.

Ce chapitre navrant n'aidera pas la discipline, ce qui est dommage car la science économique peut aider à comprendre certains problèmes de baseball. Par contre, ce bouquin risque plutôt de soit induire les lecteurs en erreur, soit d'ajouter à la perception que les économistes font des hypothèses tout croches...Comme dans toute les disciplines, on est capable du meilleur comme du pire.

Dans l'ensemble, j'hésite à recommander le livre. Les autres chapitres sont relativement bien faits, sauf pour la difficulté à cerner son lectorat. Si vous voulez avoir une meilleure idée, voici le blogue de Bradury.

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